En politique, la morale est-elle impossible?
La morale-ensemble de valeurs et de règles- serait impossible en politique et même dangereuse. Or contre les idées reçues, on peut affirmer que les considérations morales sont possibles et surtout nécessaires dans notre démocratie.
Une morale dangereuse
On accuse fréquemment la morale d’être source d’intolérance voire de violence en politique. Est convoqué l’exemple de l’Inquisition, une juridiction spécialisée (autrement dit un tribunal), créée au XIIIe siècle par l ‘Église catholique , dont le but était de combattre l’hérésie. Il ne faudrait pas mêler morale et politique et ici religion et politique. On évoque aussi le terrorisme et le totalitarisme. Ce dernier système politique voit l’État dominer toute la politique sociale par exemple comme en Union soviétique avant la chute du mur en 1989. Bref on ferait le mal en voulant faire le bien.
Aussi les libéraux défendent les libertés de l’individu et la neutralité de l’État. Et Ils excluent la morale de la vie politique. Celle-ci devient alors une pure procédure, un pur cadre des actions individuelles . Il semble que l’on ne puisse pas s’y opposer. Et tous les défenseurs de la vertu sont souvent qualifiés de réactionnaires .
Une morale impossible en politique
Cette idée est largement diffusée et est devenue banale. C’est la position bien connue de Machiavel, penseur de la Renaissance, dans son livre « le Prince ». L’homme d’État se sert de tous les moyens pour conquérir et conserver le pouvoir. On parle alors de machiavélisme. L’exercice réaliste du pouvoir ne permettrait pas de tenir un discours moral. Finalement la fin justifie les moyens. Le politique séparée de la morale deviendrait autonome. Ainsi s’ouvrirait le monde moderne.
Un homme politique intègre
Or il est bien des contre exemples. Ainsi on peut citer Pierre Mendès France (1907-1982). Ancien résistant, il fut président du conseil en 1954 sous la IV ème république (régime politique de la France de 1946 à 1958). Il a peu exercé le pouvoir mais a été l’artisan de la paix en Indochine et a permis l’indépendance de la Tunisie et du Maroc. Il n’a jamais sacrifié l’éthique ou la morale pour accéder aux sommets de l’État.
Une morale nécessaire
Car la République n’est pas exempte de valeurs morales. Qu’enseigne-t-on en éducation civique au collège ? Que veut-on transmettre avec le service civique ? Le débat aussi est nécessaire sur les finalités c’est-à-dire le but de notre société. Par ailleurs la morale n’est pas toujours relative à un pays donné ou une culture précise. En effet elle protège les droits individuels humains. Ce sont les droits de l’homme à portée universelle. L’homme ne doit pas être traité comme un moyen mais être un but en soi comme le dit le philosophe Kant .
Or le problème est qu’ actuellement, on privilégie la prise de décision en fonction de sa soi-disant efficacité et non en fonctions des valeurs à promouvoir. La morale interroge aussi la responsabilité collective des peuples. Ainsi les allemands ont présenté des excuses pour les crimes nazis qu’ils assument. On peut se demander si nous ne sommes pas dans la même situation avec la colonisation.
Des hommes politiques exemplaires
Par ailleurs la démocratie réclame un personnel politique intègre. En effet la malhonnêteté de certains alimente la défiance de la population vis-à-vis du politique. On citera les faux électeurs de Tibéri, le mensonge de Cahuzac, les détournements de Balkany, les affaires de Sarkozy…En absence de morale individuelle et collective la démocratie se meurt. On peut aussi rappeler que les philosophes grecs par exemple Aristote (384-322 avant J.C) prenaient en considération la vertu et le mérite moral.
« Pour Aristote la politique a une visée plus haute. Elle a pour objet de nous enseigner comment vivre une vie bonne. La finalité de la politique ne consiste en rien de moins que de permettre aux gens de développer leurs capacités et leurs vertus humaines -de délibérer à propos du bien commun , de former leur jugement…, de prendre part part au gouvernement…de se soucier du sort de la communauté… »
« Justice » Michael J.Sandel . Albin Michel. 2016
La responsabilité est liée à la morale. Cette responsabilité peut être individuelle mais aussi collective comme nous l’avons vu. Et c’est justement cette responsabilité que nous retrouvons en matière écologique vis-à-vis des générations futures.
sources : « Justice » Michael J.Sandel . Albin Michel. 2016

