Le théâtre à Grenoble, une expérience exceptionnelle
Entretien avec Fernand Garnier, le directeur du Créarc à Grenoble. Il s’agit de centre de création et de recherche et de la culture créé en 1982.
Le 4 juin 2021
VB : je me souviens de la pièce « le septième cercle »…
FG : C’était du temps de la compagnie « Théâtre action », qui assumait dans les années 70 un théâtre politique et social. Nous avons aussi monté « la femme aux ciseaux »qui défendait la liberté de l’IVG, avec le planning familial, alors qu’à l’époque cette pratique était illégale. Nous faisions aussi de l’action culturelle dans les quartiers des ateliers, des rencontres de poésies … Ensuite Michel Carignon a été élu à la mairie de Grenoble. Pour ma part j’ai choisi de m’éloigner des conflits politiques au profit de la culture et du théâtre.
VB : est-ce de l’art pour l’art ?
FG : Non je conserve une vision de la société et un engagement mais j’estime que j’ai un devoir de réserve en étant responsable d’une association et de salariés. Le théâtre a un territoire spécifique une autonomie par rapport au politique. Mes valeurs sont intactes mais je ne fais plus de l’action politique pure. Je défends les valeurs de la république: l’égalité hommes femmes … une démocratie tolérante.
VB : l’ouverture aux autres cultures ?
FG : oui mais avec une conscience de sa propre identité à savoir une langue et un héritage.
VB : Qu’en est-il de la création du CREARC ?
C’est une association européenne qui a un contrat avec l’union européenne pour trois ans renouvelable. Nous avons pu organiser des manifestions et recevoir des subventions. Ainsi nous avons monté » les soirées de poésies » pendant trois ans avec les plus grands poètes dont Edouard Glissant, des rencontres avec de poètes russes, marocains, américains. Nous avons alors travaillé avec Beaubourg, l’institut du monde arabe. Puis nous avons créé les rencontres du festival du théâtre européen et le théâtre jeunesse pour l’Europe
VB : ces festivals existent-ils encore ?
Le festival jeunes théâtre, qui accueille maintenant aussi des compagnies semi professionnelles ou professionnelles .Et ces jeunes sont les meilleurs ambassadeurs de Grenoble.
VB : qu’en est-il du petit théâtre ?
FG : Nous assurons une programmation et nous accueillons des jeunes troupes des associations, des personnes handicapées. Bref tout ce qui peu assurer la cohésion sociale et l’insertion.
VB : Si vous deviez faire le bilan du CREARC :
FG : c’est une aventure humaine, culturelle, artistique extraordinaire. Nous avons collaboré avec de nombreuses compagnies et accueilli des milliers de jeunes.
VB : et en matière sociale ?
FG : Nous travaillons avec des réfugiés, des autistes, un hôpital de jour …La dimension sociale est toujours là. Les ateliers permettent de développer une écriture vivante qu’il faut susciter
VB : Qu’en est-il du théâtre en général ?
FG : il existe aussi une fracture sociale dans le théâtre : il y a l’establishment et les autres qui sont majoritaires et qui vivent dans des conditions de pauvreté. Les subventions sont faibles.
VB : qui va au théâtre finalement ?
FG : Une minorité et une enquête a été réalisée sur le public de la maison de la culture. Seulement 8000 personnes la fréquentent sur une agglomération de 400000 personnes. Les enseignants emmènent les enfants au théâtre mais on les perd à l’adolescence. Dans les années 70 on avait fait une fête de la poésie avec 1000 personnes. Le débat a eu lieu dans les années 80 dans le parti socialiste. Les tutelles (DRAC, département, région) ont changé le cap. De nombreux services ont été fermés et les animateurs licenciés. La MC 2 est devenu une boite à spectacles .
VB : les théâtres ré ouvrent actuellement …
FG : En effet nous reprenons les rencontres, les ateliers ,les spectacles et les coproductions .
